Pauline Rochon
Il y a un peu plus de 70 ans, une grande dame, toujours élégamment vêtue, décide de changer le cours de l’histoire artistique de Sainte-Adèle. Pauline Rochon, née le 2 avril 1906 à Ottawa, est la fille du docteur Omer Rochon et de Marie-Claire Perrin. Arrivée au Québec, au début des années 1940, la Franco-Ontarienne, étudie la peinture auprès des artistes Louis Muhlstock et Agnès Lefort, et fait partie de l’Art Association of Montreal. Vers 1945, elle s’adonne à la peinture, mais son domaine de prédilection demeure le portrait : au fusain, à la sanguine et au crayon de couleur.
Son atelier se trouve dans l’ancienne maison de ferme du forgeron Onias Lamoureux (31 rue Morin), que le docteur Rochon a acquise. Elle y tient un petit commerce qu’elle nomme la Pèlerine. Madame Rochon vend des articles du pays, des vêtements et aussi des objets d’art. À temps perdu, elle y donne quelques cours de dessin et de peinture.
Un centre d’art à Sainte-Adèle
Pauline Rochon qui souhaite créer à Sainte-Adèle un artisanat traditionnel régional canadien-français fonde un Centre d’art de Sainte-Adèle. Elle souhaite également donner du travail à des artistes en art visuel qui se positionnent en dehors de la formation académique.
La première année, Pauline Rochon organise quelques expositions. En saison estivale, les cours s’adressent surtout à une clientèle touristique. Elle s’adjoint d’abord les services d’Agnès Lefort, peintre bien connue, qui revient d’un séjour à Paris et de Jacques de Tonnancour, peintre et critique d’art, professeur à la School of Art and Design du Musée des beaux-arts de Montréal. Mimi Guay, directrice de la Fashion Art Academy dirige les cours de couture en compagnie de Christine Menzies, diplômée de la School of Fine Arts de Banff.
La nuit Laurentienne
La Nuit laurentienne voit le jour l’année suivante avec la création d’une immense fresque réalisée par l’artiste Robert Lapalme, considérée comme le plus grands caricaturistes politiques du 20e siècle. Madame Rochon l’invite à peindre sur la côte Morin, une fresque qui se déploie sur 200 pieds de longueur par 30 pieds de largeur. Le travail a nécessité plus de 500 livres de peinture.
Lors de cet événement qui s’est tenue du 10 juillet au 19 août 1950, des lanternes chinoises prennent place dans tout le village, des feux d’artifice sont présentés sur les réputées pentes de ski 40-80, une parade de gondoles illuminées naviguent sur le lac Rond.
Dans un article paru dans le journal l’Avenir du Nord, Solange Chaput-Rolland, qu’elle faisait partie du clan d’incrédules qui doutèrent de la viabilité d’un Centre d’art professionnel dans la région. Toutefois, le dynamisme de madame Rochon fera mentir les pronostics.
Au centre d’art, des artistes réputés ou émergents s’ajoutent au fil des ans. On y donne des cours de peinture, de danse, de théâtre, de chant. Mais on offrait également des causeries, des films de choix et documentaires. En période estivale, des concerts et du théâtre sont présentés sous les étoiles.
Dans un dépliant de la programmation de 1950, conservé à la Société d’histoire et de généalogie des Pays-d’en-Haut, on retrouve une liste des professeurs invités, dont Jacques de Tonnancour, Roland Leduc et Marcel Barbeau. Roland Leduc, professeur au conservatoire de musique de la Province et chef d’orchestre à Radio-Canada accepte le poste de professeur de musique. Ayant obtenu une permission de l’archevêché de Montréal, il produit son spectacle dans l’ancienne église avant qu’elle ne soit démolie pour faire place à un nouveau lieu de culte.
L’arrivée du couple Rousseau-Vermette à Sainte-Adèle
Mariette Rousseau, lissière de réputation internationale, est invitée à donner des cours de haute lisse et de tissage. Son mari, Claude Vermette, l’un des artistes ayant collaboré à l’intégration de l’art dans l’architecture, avec ses murales présentes dans des dizaines de stations du métro de Montréal, offre des cours de céramique.
Le legs de Pauline Rochon
Avec le temps, même si la petite maison de la rue Morin demeure le point central, les activités se déplient sur plusieurs sites. Sainte-Adèle devient un lieu culturel professionnel d’importance incontournable. Le Centre d’art finira par s’établir sur un plus grand site, dans la maison de marbre blanc, situé au pied des côtes 40-80.
Pauline Rochon décède à Clear Water en Floride le 21 juillet 1962, à l’âge de 56 ans.
Mademoiselle Rochon aura donné à Sainte-Adèle plus qu’un climat artistique, elle en a fait une ville d’art animée par de nombreux artistes qui ont fait de Sainte-Adèle leur résidence permanente. En plus de Claude Vermette et de Mariette Rousseau, soulignons la présence de Claude Jasmin, Micheline de Passillé, Yves Sylvestre, Kathy Bruneau, Charles Gagnon, et combien d’autres.
La ville de Sainte-Adèle a inscrit au Répertoire du patrimoine culturel du Québec, le nom de Pauline Rochon, à tire de personnage historique.
La petite maison plus que centenaire, qui a vue éclore des dizaines de disciplines artistiques et beaucoup de talents, mérite que l’on s’y attarde. Si vous passez devant, ayez une petite pensée pour Pauline Rochon.

Pauline Rochon Archives Centre d'art de Sainte-Adèle Photo Gaby

Centre d'art de Sainte-Adèle