Cinéma Pine
Le cinéma Pine à travers le temps
Y a-t-il un seul Adélois qui ne connaisse pas le fameux cinéma Pine?!??! Qui n’ait pas déjà « été aux vues » dans la bâtisse originale qui a pignon sur la rue Morin? Ou encore dans la « phase 2 », située sur la rue Valiquette? Et qui n’a pas entendu parler (ou n’a pas profité!) des célèbres sièges doubles qui ont fait le bonheur des amoureux à une certaine époque?
« Notre » cinéma Pine - une fierté locale il va sans dire! - fait l’objet du livre La Famille Fermanian - L’histoire du cinéma Pine de Sainte-Adèle, publié récemment par le journaliste Stéphane Desjardins. J’ai glané pour vous quelques informations sur son histoire.
Des fruits, des légumes… et des bobines de films!
Au lendemain de la Première guerre mondiale, fuyant le Moyen-Orient, Phil Fermanian et son frère Jack s’installent au Canada et acquièrent, sans jamais y avoir mis les pieds, une terre à Sainte-Adèle. Par un matin de décembre 1924, ils prennent le train à destination de leur nouvelle propriété, située approximativement là où se trouve la pharmacie Brunet, jusqu’à la bâtisse du Cinéma Pine II.
Au printemps, ils installent de façon rudimentaire un kiosque de fruits et légumes. Avec leur beau-frère Dick, ils ouvrent le Karibian Fruit and Vegetable, là où se trouve aujourd’hui le restaurant Spago. Ils proposent d’abord leurs denrées de maison en maison, les transportant dans une brouette. Quelques années plus tard, ils vendent aux hôtels de la région.
Dès 1930, la Karibian Food ajoute un snack-bar et une pompe à essence, et livre dans les villages environnants - en plus des fruits et des légumes - divers produits alimentaires et de la quincaillerie. Tant qu’à faire la tournée des hôtels, ils y installent de petites boîtes de fer chromé et de verre coloré : le Juke-box.
En 1935, Phil Fermanian s’intéresse à un nouveau phénomène : le cinéma d’actualité. Il achète un projecteur 16 mm et un écran, et diffuse des courts métrages dans des salles paroissiales. Dans le camion de la Karibian Fruit se côtoient alors fruits, légumes, Juke-box et bobines de films.
L’ouverture de la route 117 vers le Nord favorise la construction de bâtiments, dont la chapelle Saint-Paul (située aujourd’hui à deux pas de la Place des citoyens). Le curé Brouillet voit une occasion de bonifier ses revenus en louant son édifice paroissial. Fermanian obtient son permis de propriétaire de salle de cinéma en 1947, mais apprend dans l’intervalle que le clergé s’oppose à la projection de films dans la chapelle.
Il ne lui reste qu’une solution : construire son propre cinéma! En 1947, il achète un magasin en faillite sur la rue Morin, là où se trouve l’entrée du cinéma. Il négocie l’achat de fauteuils et l’installation d’un projecteur. Le chantier prend forme en 1948, derrière l’ancien magasin, malgré la pénurie de matériaux d’après-guerre.
Les origines du nom Pine
L’avènement du ski vient modifier l’économie adéloise. On construit des auberges pour accommoder les touristes. Le finlandais Victor Nymark introduit chez nous un procédé de construction d’embriquement de billots de pins. On lui doit notamment le château Montebello, l’auberge La Marquise au Mont-Gabriel et l’Alpine Inn. Les Cochand, dont l’auberge se situe à la limite de Sainte-Adèle et Sainte-Marguerite, construisent des chalets de style alpin. Fermanian y voit une tendance et nomme son cinéma le Pine Theatre. Le comptoir sera en pin et les portes arborent des paysages de ski… avec des pins!
Le cinéma est inauguré en présence de l’élite régionale, du curé et du maire Claude-Henri Grignon qui aurait bien voulu, lui aussi, avoir sa propre salle de théâtre. La notoriété du Pine Theatre, un cinéma indépendant, dépasse rapidement nos frontières. Phil innove en publicisant sa programmation sur de petits cartons.
Aurore, qui a épousé Phil en 1952, s’associe à l’entreprise. Elle démontre de grandes habiletés dans la programmation, une passion qu’elle transmet à leur fils Tom, qui prendra rapidement du galon en devenant un excellent projectionniste… à 14 ans!
Avancées technologiques et expansion
Le Pine introduit la stéréophonie bien avant la majorité des salles montréalaises. Il est l’un des premiers à se doter du son Dolby stéréo. Le Pine n’a cessé d’innover et de se transformer au fil des ans.
En 1976, la pharmacie Prudhomme, voisine du cinéma, déménage dans la nouvelle clinique sur la rue du Bourg-Joli. Les Fermanian reprennent leur local et ouvrent une nouvelle salle afin de suivre la tendance du multiplexe.
Inauguré en 1978, le cinéma est équipé de projecteurs dernier cri au xénon et de plateaux horizontaux. Trois ans plus tard, la Banque provinciale (à l’angle de la 117) déménage à côté de la chapelle Saint-Paul. Tom en profite pour relier l’immeuble au cinéma et aménager la salle 3. En 1980, Tom rachète le cinéma. Il n’a que 24 ans, mais il connait tous les rouages de l’industrie.
En 1995, il rachète l’ancien site de Karibian Fruit pour y aménager le cinéma Pine II. Sa femme Geneviève opte pour un immeuble emblématique dans lequel on intègre une tourelle victorienne.
En 1997, la billetterie du cinéma 1 est automatisée avec écran tactile, une première au pays. Des travaux de rénovation ont lieu en 2003. En 2009, le cinéma introduit la numérisation avec la présentation du premier film avec la technologie 3D.
Une troisième génération prend la relève alors que Perry, fils de Tom et Geneviève, qui a grandi dans le cinéma, travaille aux côtés de son père. Féru en administration, il gère le cinéma de main de maitre.
Le 7e art a beau avoir changé depuis 70 ans, le cinéma Pine - sous la gouverne des Fermanian - est toujours demeuré à l’avant-garde!
Christiane Brault
Membre du comité patrimoine

Cinéma Pine.

